Mise au tombeau du XVème découverte à Montpezat

La “mise au tombeau” du XVe siècle découverte à Montpezat

O. Cabrol

Contexte

Des travaux importants de valorisation du centre du village de Montpezat ont été engagés en septembre 2021. Ils consistaient en la restauration de la halle du XIXe siècle, la réalisation de trottoirs, la réfection de la D626 depuis la halle jusqu’au centre d’exposition Le Dolium ainsi que les pavages du parvis de la mairie, de l’église et du monument aux morts.

Pour faciliter le contournement du chantier et améliorer la visibilité des usagers la mairie a souhaité, avant le début des travaux, déplacer la croix et son socle[1] situés devant l’entrée du Dolium.

Cette opération a été réalisée par une équipe de bénévoles du village[2].

La découverte des statues

(Voir également l’article de presse de l’époque)

Après dépose de la croix les éléments en pierre de taille[3] constituant le socle ont été numérotés, démontés et mis sur palettes en prévision d’un remontage.

Ce socle, composé de huit rangs de pierres formant chacun un cadre, était composé de blocs de grès, de calcaire et de quelques fragments de briques médiévales, issus de démolitions, liés par un mortier de chaux maigre. A travers ces éléments nous avons découvert quelques blocs de grès taillés dont un de forme parallélépipédique avec une face arrondie, évoquant un élément de pilier flanqué d’une colonne (fig.2).

            A la base du socle une double ceinture en béton, formant deux  marches de 25 cm de largeur, avait été confectionnée au moment de la construction du silo[4] dans les années 1950 sur la première marche était scellée une grille entourant le monument (fig.1).

La démolition de cette partie de l’ouvrage a nécessité l’utilisation d’un marteau piqueur pour atteindre le premier rang au-dessus des fondations.

C’est au cours de l’évacuation des gravats, le 28 aout 2021,   qu’un premier élément sculpté, de couleur rouge, est apparu qui, après l’avoir dégagé, s’est révélé être un fragment de statue polychrome sur lequel on distinguait les plis d’un vêtement. Après dégagement de ce premier fragment d’autres ont été  mis au jour disposés les uns à côté des autres et parfois les uns sur les autres, sans organisation  apparente, mêlés à d’autres gravats plus ou moins liés par un mortier de chaux très maigre (fig.3).

A proximité de ces éléments se trouvaient trois blocs taillés de 20cm d’épaisseur, s’inscrivant dans un cercle de 120 cm de diamètre. (fig.4).

Figure 4

Après dégagement complet des statues et des blocs un premier niveau de fondations, sans grand intérêt, a été atteint.

Sous cette couche  ont été collectés quelques tessons de céramiques grises dites “commingeoise”, non tournées, du XIIIe ou XIVe siècle, dont un fragment de panse avec marque de potier (fig.5), un morceau de bec de pégot et quelques fragments de tuiles et briques médiévales. La profondeur des fondations ainsi dégagée est estimée à environ un mètre.

La vingtaine de fragments de statues exhumés ont été déposés sur palettes et mis à l’abri.

Madame Valérie Salle[5] responsable du Gers au  SRA a été prévenue le jour même de la découverte et s’est rendue sur place le lendemain.

Monsieur Christophe Balagna[6]s’étant déplacé et ayant étudié les statues d’une mise au tombeau découvertes dans la cathédrale de Lombez en 2020 a reconnu des éléments issus aussi d’une mise au tombeau datant de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle ressemblant à celle de Lombez.

Qu’est-ce qu’une mise au tombeau ? (Extrait de la définition donnée sur Wikipédia)

La Mise au tombeau est le dernier épisode de la Passion du Christ, devenu un sujet de l’iconographie chrétienne. Les représentations de cet événement se fondent sur les récits de la mort du Christ dans les évangiles de Jean, Luc, Marc et Matthieu, ainsi que dans les évangiles apocryphes.

La Mise au tombeau (fig.6) est particulièrement populaire dans les Mystères de la Passion du Christ et la sculpture religieuse européenne des XVe et XVIe siècles. 

Le XVe siècle voit se développer des représentations assez stéréotypées, où le corps du Christ est allongé sur son linceul que tiennent Nicodème (aux pieds) et Joseph d’Arimathie (à la tête du Christ). La Vierge, saint Jean et une ou plusieurs saintes femmes, parfois des soldats, assistent à la scène ou y participent.

Ces nombreuses “Mise au tombeau” sculptées conservées dans les églises sont souvent désignées par le nom de “Saint-Sépulcre” ou simplement le “Sépulcre ”.

La Mise au tombeau de Montpezat n’échappe pas à cette définition . Nous avons retrouvé la plupart des personnages évoqués dans cet article : Nicodème, Joseph d’Arimatie, saint Jean et deux soldats (ou gardes) sont représentés de façon certaine. La seule sculpture complète représente La Vierge ou une sainte femme. Un autre fragment d’un personnage féminin peut être attribué à une sainte femme, ou à la Vierge, ou à Marie Madeleine. Un élément représente la barbe, une partie de la chevelure et la lèvre inférieure du visage du Christ. Sur un autre fragment sont sculptés le pied droit du Christ, un bout du linceul tenu par la main gauche de Nicodème.

Etude et mise en valeur

Après présentation de la découverte auprès de la commission des Monuments Historiques (MH) cet ensemble est ,depuis novembre 2023, inscrit sur la liste des M H.

Une restauration de ces statues  est envisagée et sera réalisée par des professionnels. Les consultations d’ateliers spécialisés sont en cours. Après chiffrage nous ferons des demandes de subventions auprès des instances compétentes et, si nécessaire, des appels aux dons.

Nous avons pour objectif d’installer ce statuaire à l’intérieur du centre d’exposition “le Dolium” afin d’en faire profiter le plus grand nombre.

En attendant Christophe Balagna a commencé l’étude de ces statues qu’il a comparé à la Mise au tombeau découverte en 2020 dans la cathédrale de Lombez située à une dizaine de kilomètres de Montpezat. Cet ensemble présente de nombreuses similitudes avec celui de Montpezat et il est quasiment certain que les deux ont été sculptés par le ou les mêmes personnes.

Le résultat des premières observations a été présenté par C.Balagna au cours de la journée archéologique de la SAG (Société Archéologique du Gers) organisée le 19 octobre 2024. Afin d’illustrer son propos Olivier Cabrol a projeté un diaporama sur la Mise au tombeau de Montpezat réalisé à partir des photos prises par Christian Millet (photographe du CERAMES).  Vous trouverez ce diaporama ci-dessous en fin d’article.

Conclusion

Il nous parait essentiel de mettre en valeur cette extraordinaire découverte, nous avons la chance d’avoir un lieu situé à l’endroit même où les statues ont été exhumées. Le Dolium est parfaitement adapté pour recevoir cet ensemble qui deviendra certainement le “trésor” de Montpezat à voir absolument !

Cependant quelques questions autour de ces sculptures restent pour l’instant sans réponse :

qui en est le commanditaire ? D’où viennent-elles ? (Eglises de Gensac[7] ? de Montpezat ?) Pourquoi ont-elles été placées sous une croix au XIXe siècle et à quelle date précise ? Où sont les éléments manquants et notamment le Gisant ? Pourquoi deux mises au tombeau à une dizaine de kilomètres l’une de l’autre ? Les deux soldats (ou gardes) sont-ils la représentation des donateurs ?..

A suivre…

[1] Croix de la Passion, en fer forgé, du XVIIIe siècle

[2] Guy Larée, maire de Montpezat, C. Gesta, S. Rigon et O. Cabrol.

[3] Calcaire coquillé blanc

[4] Actuellement centre d’expositions Le Dolium

[5] Ingénieure d’études au SRA – DRAC Occitanie

[6] Maitre de conférences à l’Institut Catholique de Toulouse

[7] Gensac a été rattaché à Montpezat en 1829.